Pilotage automatique en France, ce que disent les règles et autorisations

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Si la fiction aime fantasmer des voitures qui se conduisent toutes seules, la réalité française, elle, se cultive dans les détails du droit, du code de la route et d’une prudence méthodique. Depuis juillet 2022, la conduite automatisée de niveau 3 fait figure d’exception réglementée sur quelques tronçons d’autoroutes. Vitesse bridée à 60 km/h, conducteur sur le qui-vive, constructeurs sous surveillance : la France avance, mais jamais sans garde-fous.

Pour les assureurs, l’équilibre reste fragile. Les sinistres impliquant des véhicules à pilotage automatique se multiplient, tandis que les réponses sur l’indemnisation tardent à se dessiner. En cas d’accident, la technologie ne dédouane pas le conducteur : la responsabilité pénale peut lui revenir, selon le contexte et le respect strict des règles. Du côté des constructeurs, l’enjeu est de taille : chaque modèle autonome doit obtenir une homologation spécifique, bien plus rigoureuse que pour une voiture classique.

Où en est la réglementation des voitures autonomes en France ?

Depuis le 1er septembre 2022, la conduite autonome de niveau 3 circule, sous conditions, sur certains axes du réseau français. Ce pas en avant s’inscrit dans la stratégie européenne menée par le parlement européen et le conseil, qui imposent un cadre commun à l’échelle de l’Union.

Le parcours législatif a été jalonné par plusieurs textes majeurs. La loi PACTE a donné le coup d’envoi à l’expérimentation sur route ouverte. La loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a permis d’actualiser la législation. L’ordonnance n° 2021-443 a révisé le code de la route pour intégrer ces usages inédits, et le décret du 29 juin 2021 a détaillé les conditions strictes d’application. Seules les routes séparées par un terre-plein central, interdites aux piétons et cyclistes, sont concernées. La vitesse, elle, ne dépasse jamais 60 km/h. Le conducteur, quant à lui, reste le dernier rempart, prêt à intervenir à tout moment.

En pratique, peu d’acteurs accèdent à ce marché. Mercedes a ouvert la marche avec son Drive Pilot, le premier à obtenir une homologation française, grâce à un dispositif de sécurité renforcé. À l’échelle européenne, le règlement ONU n°157 conditionne la commercialisation à des batteries de tests et de validations techniques.

La loi française évolue au rythme de la recherche et des compromis européens. À chaque nouvelle étape, trois piliers restent au cœur du processus législatif : sécurité, responsabilité et définition précise des usages.

Comprendre les niveaux d’automatisation et les conditions d’autorisation

L’automatisation se décline en plusieurs paliers, du niveau 0, aucune assistance, au niveau 5, où le véhicule se passe entièrement de la présence humaine. Chaque seuil implique des contraintes réglementaires et des exigences concrètes.

Voici les principaux niveaux d’automatisation, chacun défini par ses propres caractéristiques :

  • Niveau 1 : aides ponctuelles comme le régulateur de vitesse ou l’ABS. Le conducteur garde la maîtrise.
  • Niveau 2 : automatisation partielle (aide au maintien de voie, freinage d’urgence). Le conducteur supervise et reprend la main si besoin.
  • Niveau 3 : pilotage automatique conditionnel. La voiture gère la conduite, mais l’humain doit pouvoir intervenir en quelques secondes.

En France, l’homologation pour la conduite autonome de niveau 3 reste réservée à quelques constructeurs, principalement Mercedes. L’accès, très réglementé, se limite aux routes séparées par un terre-plein central, sans piétons ni cyclistes, à 60 km/h maximum. Le conducteur doit rester prêt à reprendre le volant à tout instant.

Le Drive Pilot de Mercedes incarne cette réalité : activation possible uniquement sur des portions d’autoroute clairement identifiées, par météo favorable, sans tunnel long ni zone de travaux. Le règlement ONU n°157 encadre chaque phase d’évaluation technique. Tesla et BMW, pionniers ailleurs, attendent encore l’autorisation de déployer le niveau 3 sur les routes françaises.

La sécurité routière guide chaque décision : les autorités imposent une évaluation approfondie et une transparence stricte sur la répartition des responsabilités entre conducteur et constructeur.

Responsabilité, sécurité : ce que dit la loi en cas d’accident

En cas d’accident avec pilotage automatique, la législation française répartit la responsabilité entre conducteur et constructeur, selon des critères précis. Depuis l’ordonnance n° 2021-443 et le décret du 29 juin 2021, le code de la route distingue clairement les situations selon l’activation du système autonome et le respect des conditions d’utilisation.

Si le système autonome de niveau 3 fonctionne dans le cadre réglementaire, le constructeur peut être mis en cause pénalement et civilement, à condition que le conducteur ait respecté scrupuleusement les consignes. Mercedes, notamment, équipe ses véhicules d’une boîte noire (event data recorder) qui enregistre en continu les paramètres de conduite. Grâce à ce dispositif, il est possible de vérifier, après coup, si le pilotage automatique était actif, si la vitesse réglementaire était observée et si le conducteur a repris la main lorsqu’il le devait.

En revanche, si le conducteur tarde à reprendre le contrôle lorsque le système le sollicite, ou s’il utilise le pilotage automatique en dehors des conditions prévues, la responsabilité lui incombe. Ce cadre juridique impose une traçabilité sans faille, au service de la sécurité routière et des droits des conducteurs comme des victimes.

La cybersécurité et la protection des données personnelles complexifient l’équation. Le RGPD encadre la collecte des informations issues des véhicules, tandis que le Data Act européen vise les usages non personnels. Trouver l’équilibre entre innovation, contrôle technique et respect de la vie privée reste un défi de taille pour l’avenir de la mobilité automatisée.

voiture autonome

La France face au défi international : comparaison et évolutions attendues

La France avance avec méthode sur le terrain du pilotage automatique. Depuis le 1er septembre 2022, la conduite autonome de niveau 3 est permise sous conditions strictes, ce qui place le pays parmi les pionniers européens à adapter son code de la route à ces technologies nouvelles, tout en appliquant le Règlement ONU n°157 qui harmonise les critères techniques à l’échelle du continent.

L’Allemagne a pris une avance commerciale avec le Drive Pilot de Mercedes, mais la France préfère avancer prudemment. La loi d’Orientation des Mobilités et l’ordonnance n° 2021-443 témoignent d’une volonté de concilier progrès technique et sécurité, sans jamais perdre de vue la question de la responsabilité. À travers l’Europe, le rythme d’intégration varie selon la qualité des infrastructures et la sensibilité aux enjeux de données.

Pour mieux cerner les différences actuelles, voici un tableau comparatif :

Pays Niveau d’autorisation Constructeurs homologués
France Niveau 3 (sous conditions) Mercedes (Drive Pilot)
Allemagne Niveau 3 (plus étendu) Mercedes
Reste de l’Europe Variable, souvent en expérimentation À venir (BMW, Tesla en attente)

Le permis B boîte automatique (B78) illustre aussi cette singularité française : il limite la conduite aux véhicules à boîte automatique, mais une formation de 7 heures suffit pour basculer vers un permis classique. Les auto-écoles s’adaptent à la montée en puissance des modèles sans embrayage manuel et à la progression de la mobilité autonome sur le marché. Reste à voir si, dans les prochaines années, la société française saura conjuguer sécurité, innovation et confiance collective.

Sur l’asphalte hexagonal, l’automatisation pourrait bien finir par dépasser la réglementation. Reste à découvrir qui, de la loi ou de la machine, prendra réellement le contrôle quand les feux passeront au vert.