Terme neutre pour ‘joli’ : comment choisir la bonne expression en français moderne ?

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Femme assise au café écrivant dans un carnet à Paris

Dire qu’il existe un adjectif neutre pour « joli » en français serait mentir sans vergogne. Rien n’est prévu dans nos dictionnaires pour qualifier, sans prendre parti, l’attrait d’une personne ou d’un objet. Les mots flatteurs comme « joli » s’habillent toujours au masculin ou au féminin. Quand on cherche la neutralité, le français se dérobe. La Commission d’enrichissement de la langue française, malgré l’agitation du débat, n’a encore rien validé qui fasse autorité.

Évidemment, quelques alternatives circulent, mais elles restent coincées dans des usages de niche ou peinent à s’imposer hors des cercles militants. Certains secteurs professionnels tentent d’introduire leurs propres solutions, quitte à brouiller la clarté du message.

Le neutre en français : un enjeu linguistique et social

Le fonctionnement du français repose sur un principe binaire : chaque mot a son genre, masculin ou féminin, sans échappatoire officielle au neutre. Contrairement à l’anglais ou à l’allemand, il n’existe pas de catégorie grammaticale intermédiaire. Ce manque, pourtant, commence à grincer. Les défenseurs de l’écriture inclusive en font un cheval de bataille, mais la pratique reste morcelée, contestée, loin d’un consensus national.

Cette question du neutre ne se limite pas à un caprice de linguistes. Elle traverse médias, universités, entreprises, et met en lumière un point sensible : comment décrire sans enfermer ? Comment parler de beauté, ou de laideur, sans recourir systématiquement au masculin ou au féminin ? Le lexique montre ses limites, et c’est presque toujours le masculin qui s’impose dans les usages par défaut, repoussant l’inclusivité au rang d’exception. Les partisans d’une évolution grammaticale avancent que la langue façonne nos représentations, autant pour les femmes que pour les hommes.

Entre norme et usage

Quelques exemples illustrent la complexité du terrain :

  • Le pronom « iel » tente de s’installer, mais rencontre autant d’enthousiasme que de résistance et n’a pas reçu l’aval de l’Académie française.
  • Les adjectifs épicènes, en théorie prometteurs, se font rares dès qu’il s’agit de parler d’apparence.

La langue ne se contente pas de refléter des rapports de pouvoir : elle les façonne, les entretient, parfois malgré elle. Les propositions de réforme, que ce soit via les doublets, l’accord de proximité ou la création de nouveaux mots, montrent une volonté de bousculer la norme. Mais la question demeure : le français va-t-il enfin ouvrir un espace au neutre, ou s’accrocher à son vieux binarisme ?

Pourquoi chercher une alternative neutre à « joli » ?

Derrière la quête d’un adjectif neutre pour « joli », il y a bien plus qu’un simple débat de style. Cette recherche touche à la façon dont chacun se voit et se sent reconnu dans la langue. « Joli », comme la plupart des qualificatifs, s’accorde au masculin ou au féminin. Pourtant, les attentes évoluent, et beaucoup réclament des mots capables d’inclure sans trancher dans le vif des identités.

L’usage du masculin comme valeur neutre, hérité d’une longue tradition grammaticale, reste la règle. Ce mécanisme, souvent dénoncé par linguistes et sociologues, installe une hiérarchie silencieuse entre les genres. L’absence d’adjectif qui s’adresse à tous, sans distinction, freine la possibilité pour chacun de se reconnaître dans le discours.

Plusieurs raisons expliquent ce besoin de neutraliser l’expression :

  • Éviter les clichés sexistes dans la manière de décrire l’apparence ou le caractère.
  • Permettre à chaque personne de s’identifier dans la langue, sans se sentir forcée de choisir un camp.
  • Encourager l’émergence d’usages linguistiques plus ouverts sur la diversité.

La réflexion sur le féminin neutre ou la neutralisation des adjectifs prend de l’ampleur, portée par le désir d’une société moins enfermée dans des cases. Mais trouver la bonne formule en français contemporain reste un défi partagé entre invention lexicale, adoption de mots épicènes et remise en question du genre grammatical dans les dialogues du quotidien.

Panorama des expressions neutres en usage aujourd’hui

Explorer les alternatives neutres à « joli » révèle l’inventivité des locuteurs et la souplesse relative de la langue. Même si le français ne propose pas d’adjectif fondamentalement neutre, l’usage s’adapte. Les adjectifs dits épicènes, qui gardent la même forme au masculin et au féminin, sont souvent privilégiés : « agréable », « superbe », « remarquable » par exemple. Leur structure permet de contourner la contrainte du genre, au moins grammaticalement.

Certains tentent aussi de détourner des mots existants ou d’en inventer. « Bel », à l’origine masculin devant voyelle, apparaît parfois dans des contextes où l’on cherche la neutralité, mais reste marginal. D’autres préfèrent des qualificatifs comme « harmonieux », « élégant » ou « attrayant », capables de décrire sans enfermer, même si la neutralité absolue échappe encore.

L’apparition de l’écriture inclusive, avec ses points médians ou ses doublets (« joli·e », « charmant·e »), marque une volonté d’élargir le champ. Si ces formes ne gomment pas totalement la distinction de genre, elles affirment l’intention d’englober sans exclure. L’usage du pronom « iel » amène aussi à repenser les accords, souvent en choisissant un adjectif épicène ou en reformulant la phrase.

Parfois, la solution passe par une tournure plus descriptive. Dire « qui a du style » ou « avec du charme » permet d’éviter le piège du masculin-féminin, tout en restant inclusif. Ces stratégies s’installent doucement dans la langue, portées par la volonté de faire du français une langue plus fidèle à la diversité de ses locuteurs.

Groupe de jeunes discutant autour d un dictionnaire dans un parc

Impacts et limites de l’inclusivité dans le choix des adjectifs

Le français se transforme, poussé par un contexte social plus attentif à la représentation. L’écriture inclusive bouleverse les habitudes, forçant à repenser le choix des adjectifs, leur accord, leur portée. Pour les défenseurs de l’inclusivité, il s’agit de donner une place à toutes les identités, de faire reculer le masculin comme norme silencieuse. Mais le chemin est semé d’obstacles.

Opter pour le point médian ou les doublets soulève des interrogations : la compréhension suit-elle, surtout en milieu scolaire ou pour les personnes ayant des besoins spécifiques ? L’accessibilité se heurte à une syntaxe moins familière. Miser sur les adjectifs épicènes ou sur les tournures descriptives permet de contourner le problème, sans toutefois l’effacer.

Parmi les difficultés rencontrées, on constate :

  • L’absence de règles stabilisées, notamment pour l’accord avec des pronoms neutres.
  • Une diversité d’usages qui fragilise parfois la cohérence de la phrase.
  • Un clivage entre ceux qui y voient une atteinte à la clarté et ceux qui saluent la capacité d’adaptation de la langue.

La féminisation des adjectifs et la généralisation des formes inclusives nourrissent un débat ancien : jusqu’où faut-il aller pour réformer sans mettre en péril l’équilibre du français ? Pour le moment, chaque locuteur fait ses choix, navigue entre principes et réalités, et invente sa manière d’être inclusif. La langue, elle, continue de chercher son point d’équilibre, quelque part entre tradition et invention.