
À six ans, certains enfants manipulent déjà la syntaxe du mensonge, tandis que d’autres restent muets face à une question simple. Le développement du langage n’évolue ni à la même vitesse ni selon un déroulé linéaire pour tous. Pourtant, chaque système éducatif prescrit l’expression orale comme compétence fondamentale, sans préciser comment l’encourager efficacement.
Beaucoup d’adultes s’imaginent que l’imagination surgit sans crier gare. Pourtant, les recherches sont claires : l’environnement et la qualité des échanges influencent directement la capacité à raconter. Les ressources existent pour accompagner l’enfant dans cette voie, mais leur usage varie, parfois du tout au rien, selon les familles ou les écoles.
Plan de l'article
Pourquoi le storytelling ouvre la porte à l’expression chez l’enfant
Raconter une histoire à un enfant ne se limite pas à le distraire. La narration joue un rôle moteur dans son développement : elle capte l’attention, sollicite l’identification, invite à l’échange. Dès qu’un adulte prend le temps d’inventer ou de lire un récit, il bâtit avec l’enfant un terrain de communication où chaque parole, chaque intonation, devient une invitation à répondre. Petit à petit, l’enfant écoute, s’approprie la langue, puis tente à son tour de reformuler, questionner, créer.
Les histoires servent aussi de laboratoire pour apprivoiser les émotions. Grâce aux personnages, rebondissements et conflits, l’enfant apprend à nommer la peur, la joie, la colère, à reconnaître et exprimer des sentiments plus subtils. Cette pratique enrichit son vocabulaire, affine sa capacité à s’exprimer avec justesse. La narration sollicite également la mémoire épisodique et la mémoire de travail : suivre le fil d’un récit, retenir un détail, faire le lien avec son vécu, tout cela développe le raisonnement et l’esprit critique.
Voici quelques bénéfices majeurs qui découlent de la pratique régulière du storytelling :
- Stimuler l’imagination : raconter des histoires pousse l’enfant à inventer, à envisager d’autres perspectives, à s’ouvrir à de nouveaux horizons.
- Étoffer le vocabulaire : chaque récit expose à des mots inédits, des formulations inattendues, des images fortes.
- Renforcer les compétences sociales et émotionnelles : écouter, raconter, échanger sur le sens d’une histoire, tout cela contribue à bâtir l’estime de soi.
Un conte partagé par un enseignant, un livre exploré ensemble, une anecdote confiée autour du dîner : chaque situation devient une occasion de jouer avec les mots. Pratiquée sans formalisme, la narration encourage la réussite à l’école, mais nourrit aussi la créativité et l’empathie. Elle relie l’expérience intime au collectif, le vécu à l’imaginaire.
Quels freins rencontrent les enfants pour raconter leurs histoires ?
Chacun porte en soi des histoires, mais tous les enfants n’osent pas les exprimer aussi aisément. Plusieurs freins peuvent entraver cette prise de parole. Le manque de confiance reste un obstacle fréquent : la peur de mal s’exprimer, de ne pas être écouté, d’être corrigé ou moqué, bloque souvent l’élan. L’aisance à l’oral vient avec le temps, si l’environnement offre la sécurité nécessaire.
L’ambiance compte énormément. Un lieu bruyant ou impersonnel rend la parole difficile, surtout pour les plus jeunes. La lecture à voix haute réclame du calme et de la disponibilité. Une attention dispersée, des adultes pressés, un contexte collectif trop pesant, tout cela freine la narration. À l’école, la fatigue, la pression du groupe, le regard des autres, refroidissent parfois les ardeurs.
La mémoire de travail peut aussi compliquer l’exercice : l’enfant a du mal à organiser ses idées, à trouver le mot juste, à construire une phrase complète. D’autres enfants se heurtent à des soucis plus techniques : vocabulaire réduit, articulation incertaine, syntaxe fragile.
Certains obstacles, souvent négligés, méritent d’être précisés :
- Un langage corporel peu mobilisé prive l’histoire de relief et la rend moins vivante.
- Une voix monotone ou mal posée peut vite lasser l’auditoire, limitant l’impact du récit.
La dimension affective reste décisive : sans sentiment d’être écouté et encouragé, l’enfant se détourne vite de la parole. Pour rendre l’expression naturelle, rien ne remplace le soutien patient des adultes et la confiance bâtie au fil du temps.
Des astuces concrètes pour encourager la créativité et la prise de parole
Pour nourrir la créativité de l’enfant, variez les approches et osez la surprise. Proposez-lui d’incarner un personnage, de manipuler une marionnette, de faire dialoguer ses doudous. Ces jeux de rôle libèrent la parole, poussent à l’improvisation et à l’audace. Monter une petite scène de théâtre, même dans la chambre, donne à l’enfant un espace sécurisé où explorer voix, gestes et écoute.
Les supports matériels multiplient les points d’entrée vers l’invention. Variez entre albums illustrés, conteuses interactives, lampes à histoires ou marionnettes : chaque objet stimule l’inventivité, invite à détourner ou prolonger le récit. Les maisons d’édition jeunesse et les créateurs de jeux narratifs, comme Moulin Roty, Lilliputiens ou Djeco, offrent une source inépuisable pour renouveler ces moments.
La confiance se construit dans la réciprocité : proposez à l’enfant de raconter sa journée, puis partagez la vôtre. Ce va-et-vient, simple mais précieux, nourrit le goût du dialogue et aide à structurer la pensée. Encouragez-le à tenir un journal personnel, à dessiner ou à inventer une bande dessinée : chaque forme d’expression enrichit le vocabulaire, stimule la mémoire et décuple l’imagination.
L’école aussi s’implique. Le projet Seeds of Tellers met en place des outils pédagogiques pour développer l’oralité et le goût du conte : ateliers de webradio, bibliothèques numériques, vidéos collectives. Ces actions valorisent chaque voix, encouragent chacun à prendre la parole et tissent des liens solides entre narration, apprentissage et confiance en soi.
Quand l’enfant devient narrateur : des moments à partager au quotidien
Le récit du soir en famille transforme la parole en rituel fédérateur. Sollicité pour raconter sa journée, l’enfant devient peu à peu narrateur. Même si le discours manque parfois de structure, chaque anecdote racontée renforce la confiance. Ce partage ne se limite pas à échanger des faits : il tisse du lien, donne à chacun une place dans la conversation.
Ce rendez-vous régulier pose des repères. Il encourage l’écoute, aiguise la curiosité, crée l’habitude du dialogue. Invitez l’enfant à décrire une expérience vécue à l’école, à expliquer un jeu inventé entre amis ou à imaginer la suite d’un conte. Peu à peu, il prend confiance, les mots se libèrent, et des souvenirs communs se forgent.
Voici quelques idées simples à intégrer pour enrichir ces échanges :
- Raconter une histoire vécue, puis demander à l’enfant ce qu’il en pense.
- Inventer ensemble la fin d’un conte, en alternant les rôles.
- Faire revivre un souvenir à partir d’une photo, d’un dessin ou d’un objet.
Avec cet accompagnement, l’enfant apprend à relier récit et réalité. Il s’ouvre à la réflexion, assimile des valeurs, développe sa capacité à comprendre l’autre. Ces moments de narration partagée deviennent un véritable moteur pour l’expression et l’apprentissage du vivre-ensemble.
Quand un enfant ose prendre la parole, ce n’est pas seulement une histoire qu’il confie. C’est tout un monde intérieur qui s’ouvre, prêt à grandir, un mot après l’autre.




























































